dimanche 1 avril 2012

HONTE AUX FACHOS

TROIS EXTRAITS tirés de "Honte aux Fachos", 180 p., Editions Slatkine, 2012.

"C'était un personnage avenant, chaleureux au premier abord. Grand, faux maigre, le front bombé comme un boxeur, il écrivait à ses heures perdues des récits hitoriques en vers pour se donner une épaisseur littéraire. Comme il avait perdu ses cheveux à la suite d'une pelade à vingt ans, il portait une perruque noire naturelle avec une queue de cheval. Sa calvitie était un secret de polichinelle, mais jamais personne ne s'était risqué à écrire là-dessus dans les journax. A quoi bon d'ailleurs si ce n'était pour s'en faire un ennemi. Mais cela en disait long sur ses aspriations personnelles à composer un leader charismatique complet, c'est-à-dire avec des cheveux." (p.19)


« Ce Capverdien, Philippe le connaissait très bien. Jõ, c’était son nom de rue, lui avait craché dessus quelques mois auparavant au poste de police, en octobre exactement, Avec ses collègues, ils avaient dépos une plainte pour outrage.  « Fais ch… quand même, me dit-il, qu’on ait dû le laisser filer le lendemain déjà. » Jõ, ivre et hors de lui, avait été arrêté en pleine rue dans des conditions pénibles : insultes, cris et coups, tout cela devant des mamans qui promenaient leurs poussettes devant les boutiques. Au poste, il s’était lâché contre une jeune stagiaire en lui lançant un « Suce-moi salope ! » dont il s’était excusé par la suite. Mais même ces excuses-là sont inexcusables. Les collègues n’avaient pas cédé à cette provocation, se gardant bien d’ajouter une bavure  idiote à une injure grossière. Pui on l’avait relâché, en attendant qu’il passe devant un juge. Procédure qui ne s’était pas réalisée, car il avait été impliqué ensuite dans des cambriolages et on allait le condamner pour le tout à la fois. Et voilà Jõ qui se promenait en ville, long, sec et sapé, seigneur de la rue, nouveau prince de New York égaré en province. Jõ, le caïd black, Don King de pacotille, paradait dans une bourgade suisse de quinze mille habitants peu habituée à tant d’arrogance. » (p.130)

« Marie-Hélène adorait l’Amérique du Sud, le dieu Soleil, l’animisme des vieilles pierres, les gâteaux au peyotl, les chapeaux andins et avant l’érotisme du sang indien mélangé à celui des Espagnols.  Mais, après deux ou trois voyages, des aventures passionnelles et brèves avec des Latinos, elle était revenue vivre ici. Replié sur son coin de terre, elle s’est mise à participer à la vie associative locale comme ses aïeules. Finalement ses racines valaient bien celles des autres. Le bonnet de laine des fonds de vallées alpines ou le bonnet tricoté des Andes, c’était bonnet blanc et blanc bonnet. » (p. 35)

vendredi 17 décembre 2010